Comment Steve Kerr a transformé Golden State pour en faire un candidat au titre ?


67 victoires, 15 défaites, meilleur bilan de la conférence ouest, meilleur bilan de la ligue, meilleur bilan de l’histoire de la franchise, 6ème meilleur bilan de l’histoire de la ligue… Oui, Golden State a dominé la saison NBA. Par le talent, l’intelligence collective et le coaching, entre autres. De ce constat, il convient de revenir sur la nouvelle dimension prise par les Warriors avant que les playoffs ne débutent. Chris Ballard de Sports Illustrated l’a déjà fait pour nous en février dernier, quand le monde entier s’est aperçu que la bande à Curry, Thompson & Co ne se battait pas seulement pour conserver le meilleur bilan de la ligue. Mais bien pour conquérir le titre. Traduction.

Article original de Chris Ballard : http://www.si.com/nba/2015/02/20/golden-state-warriors-steve-kerr-stephen-curry-klay-thompson-joe-lacob

Vêtu d’un T-shirt jaune, le géant marche lentement à travers le complexe et se dirige vers sa cible.

Fin janvier, un mercredi soir, au fin fond de la très vaste Oracle Orena, quelques minutes avant que les Warriors, leaders, n’accueillent les Rockets. L’actionnaire majoritaire de 59 ans, Joe Lacob, vient juste de terminer sa discussion avec un tas d’investisseurs en capital risque aux vestes North Face. En chevauchant un tabouret dans un salon privé, Lacob venait d’évoquer les bénéfices, l’exploitation des actifs et le génial Stephen Curry.

Là, il se dirige vers la galerie qui l’amène à sa place. Mais avant d’y accéder, le géant l’intercepte : « MERCI JOE ! »

Lacob observe l’homme et reconnaît l’imposante silhouette de Bill Walton. Son fils, Luke, est un assistant coach des Warriors. « MERCI ! », lui crie-t-il une seconde fois avant de lui serrer la main. « Merci pour tout ce que tu as fait ! »

Lacob sourit nerveusement : « Ça me fait bizarre quand les gens me disent ça. Nous n’avons encore rien accompli. »

« Mais si ! » hurle Walton, qui devient sérieux. « Tu as tout changé. Tu as fait en sorte que les gens y CROIENT de nouveau. »

Croire. Depuis que la croyance habite le basket pro à la Bay Area, elle n’a jamais faiblie grâce à un soutien constant des fans. Même Rick Welts, le président des opérations basket de la franchise, considère ce soutien comme « inexplicable ». C’est une franchise qui vit par les fans, pour les fans mais qui a peu reçu en retour.

Personne ne s’attendait à un changement si soudain. Il y a cinq ans, quand Lacob et Peter Guber ont racheté la franchise pour 450 millions de dollars, les Warriors affichaient un bilan de 25 victoires pour 56 défaites et restaient sur quatorze saisons de bilan négatif sur seize. Le roster comptait beaucoup de joueurs de D-League ; le propriétaire précédent, le solitaire Chris Cohan, était détesté des fans ; et le coach Don Nelson, mélancolique, rêvassait déjà, les pensées tournées vers sa maison au bord de la mer à Maui (Hawaï).

Et maintenant ? Maintenant, les Warriors restent sur 107 matchs de suite à guichets fermés. Cette saison, ils ont la meilleure attaque et la meilleure défense (désormais 15ème à l’issue de la saison régulière). Leur noyau est jeune et talentueux, leur coaching staff est important, leur propriétaire est engagé et la franchise a remporté le prix de « L’équipe de l’année » par le Sports Business Journal en 2014. Ce qui mène à la question que tous les North Facers se posent : comment, en juste 5 ans et sans un tour de draft au-delà du 6ème choix, les Warriors sont passés de la franchise dont on se moquait à l’une des meilleures franchises tous sports confondus ?

La réponse est une question de basket et de business bien sûr, mais avant tout une question d’hommes. Elle implique la fierté d’un pasteur, un savant fou, un meneur filiforme, un ailier fort passionné, un multimillionnaire impatient et un comparse de UCLA. Et peut-être dans le rôle le plus important, un fils de professeur avec un don pour la diplomatie.

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Steve Kerr, un passé et des méthodes

A 49 ans, Steve Kerr ressemble davantage à un YMCA All-Star (de la Young Men’s Christian Association, ndlr) qu’à un joueur NBA. Durant ses années aux Bulls et aux Spurs, Kerr était le gars que vous pensiez battre dans un bon jour. Maigrelet, petit, dépourvu de jump. Et pourtant, on ne sait comment et de manière magique, il a remporté 5 titres, a gagné la confiance de Michael Jordan et s’est retiré comme étant le meilleur joueur de l’histoire à 3-points.

Comme coach, Kerr peut dégager la même impression. Le Gars Qui A Juste De La Chance. Kerr vous dira qu’il a simplement hérité d’une grande équipe. Que tout est une question de joueurs. Ne me parlez pas, parlez à mes assistants – ceux qui font le vrai travail. Cette histoire ? Kerr ne la veut pas centrée sur lui. Vraiment, dit-il, il y a des choses plus importantes sur quoi écrire.

Désolé Steve. Ça ne va pas se passer comme ça. Parce qu’il y a une différence majeure entre les Warriors de la saison dernière qui ont fini avec un bilan de 51 victoires et 31 défaites avant de perdre face aux Clippers dès le 1er tour des playoffs, et les Warriors de cette saison, avec sept joueurs de rotation de qualité et qui, à l’abord du All-Star Break, affichaient le meilleur bilan NBA avec 42 victoires et 9 défaites. Et cette différence ressemble beaucoup à un YMCA All-Star blond.

Kerr a toujours planifié d’être coach. Il y a deux ans, même s’il travaillait pour TNT, il a commencé à se préparer sérieusement. L’été dernier, il a assisté à une conférence sur le leadership dans le sport à l’Institut d’Aspen dans le Colorado durant laquelle il est tombé sur Jeff Van Gundy dont il admirait le travail. Van Gundy a conseillé à Kerr, comme avec tout coach en herbe, de tout écrire. Tout ce qu’il a appris, tout ce qu’il souhaite faire. Tout ce que tu changes. Cela organise ta pensée. Développe ta philosophie.

Donc Kerr a créé un fichier Word sur son ordinateur portable. Plus les jours passent, et plus les pages se remplissent. Après 4 ans au lycée et 15 saisons NBA, Kerr a joué pour Lute Olson, Lenny Wilkens, Phil Jackson et Gregg Popovich. Il a côtoyé Mark Price, Tim Duncan, Scottie Pippen et Jordan. Il y a beaucoup à écrire, aucun détail n’est de trop. Il note tous les systèmes offensifs et toutes les philosophies défensives. Il note comment le voyage des familles pour les matchs à l’extérieur doit se dérouler et des programmes comme celui-ci : il exige 20 minutes de cardio par joueur après un match si ce dernier n’a pas joué un certain nombre de minutes.

Kerr commence à collectionner les systèmes, à séquencer les matchs sur son écran plat à San Diego dès qu’il voit une action qu’il aime – un backdoor ou un écran lumineux bien senti. Ensuite, il envoie un mail à Kelly Peters, ami et coach au lycée de Torrey Pines (et maintenant scout advance des Warriors). Peter prend les séquences et les compilent en utilisant iMovie. Semaine après semaine, le fichier de Kerr – nommé ATOs, pour « jeux après temps-mort », s’épaissit.

Au printemps 2014, sa librairie de vidéos compte plus de 50 systèmes et le fichier Word se transforme en une présentation détaillée sur Power Point. Kerr adorait la TV comme il aimait jouer, mais pour ses amis comme Bruce Fraser, assistant des Warriors proche de Steve depuis que les deux avaient joué à l’université d’Arizona, être coach est « sa vocation ». Maintenant, avec deux de ses trois enfants en dehors du lycée, le temps était venu.

Le plan est simple, et apparemment infaillible : suivre son mentor Phil Jackson à New-York. Mais après que les Warriors aient joué leur seconde participation de suite aux playoffs, ils ont fait quelque chose d’inattendu : virer leur coach, Mark Jackson. Le journaliste doyen de la Bay Area, Bruce Jenkins, du San Francisco Chronicle, considère ce changement comme un « pari risqué », une initiative de Lacob « mal à propos » voire « lamentable ». Je ne crois pas qu’avec un nouveau coach, ces même Warriors atteindront les finales NBA l’année prochaine. « Aucune chance ».

Si en privé, Lacob est furieux, publiquement, il part à la recherche du nouveau coach. Début mai, il offre le job à Kerr qui, après avoir consulté Popovich, sa famille et ses amis, accepte le poste. Les Warriors offrent un meilleur roster, une plus grande proximité avec sa famille et une structure plus forte. Reste que la situation est étrange. Les attentes sont à la fois hautes comme minimes. T’as intérêt de gagner au moins 51 matchs. Mais on ne pense pas que tu pourras faire beaucoup mieux. Pour trouver le chemin du succès, Kerr sait qu’il a besoin de recrues. Il commence par l’homme le plus important de la franchise.

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Avant Steve Kerr

Des 15 joueurs du roster, il est difficile à croire qu’à 27 ans, Stephen Curry est aujourd’hui le plus ancien de l’effectif. Particulièrement parce qu’il n’aurait jamais dû être un Warrior. On est en 2009, Don Nelson ne peut le croire. Les Minnesota Timberwolves ont pris deux meneurs dans les 6 premiers choix et aucun des deux n’est Curry. Nelson est enchanté par le joueur, voyant à travers le maigrichon de Davidson des qualités de meneur et de passeur dignes de Steve Nash. Nelson et le GM de l’époque, Larry Riley, ont classé Curry comme la deuxième priorité de la draft, derrière Blake Griffin. « Et il n’y avait pas vraiment d’autres joueurs que nous aimions », avoue Nelson. Quand les Timberwolves ont choisi Ricky Rubio et Jonny Flynn, des cris de joie ont alors été entendus dans la draft room des Warriors à Oakland. Curry était des leurs.

Ce sera la dernière contribution significative de Nelson avec les Warriors, viré peu après la reprise de la franchise par Lacob. Assailli par des blessures aux chevilles et mal géré par l’intérimaire Keith Smart, le jeune meneur est souvent fustigé pour ses nombreuses pertes de balle. C’est à partir de juin 2011 date à laquelle Lacob engage Mark Jackson en remplacement de Smart que Curry s’épanouit. Meneur de jeu pendant 18 ans dans la ligue, Jackson sait mettre en avant les stars. Lui-même a servi des joueurs tels que Patrick Ewing et Reggie Miller. Désormais coach, l’ancien meneur reste le même. Il encourage Curry dans ses pick-and-rolls sans fin et ses un contre un. Le reste de l’équipe est confiné à poser des écrans pour Steph. A l’alimenter. A surveiller le meneur adverse pendant que Jackson cache Curry sur un joueur offensif plus faible. La stratégie fonctionne pour un critère important : Curry devient meilleur. Il l’autorise à faire des erreurs. Sa confiance s’accroît. Il devient All-Star.

Sous l’influence de Mark Jackson, les Warriors évoluent comme une équipe. Le coach insiste sur le développement du savoir-faire de ses joueurs en les obligeant à travailler 15 minutes après l’entrainement avec un coach assistant. Pasteur au sein d’une église non confessionnelle à Reseda (Los Angeles, Californie), Jackson a un troublant don pour stimuler ses joueurs, une mentalité du « nous contre le reste du monde ». C’est sous l’ère Jackson qu’à ce jour encore, les Warriors crient après chaque huddle : « Juste nous » comme cri de ralliement. A son arrivée, il avait immédiatement – et bêtement – promis que l’équipe ferait les playoffs dès sa première saison. Les Warriors ne les ont pas faits pendant deux ans, mais la formidable confiance des fans pour Mark Jackson et ses qualités oratoires lui ont permis – selon une source – de garder son poste plutôt que l’ancien assistant des Spurs, Mike Budenholzer. Jackson avait gardé la pleine confiance de ses joueurs. Il était la bonne personne au bon moment à différents égards, bien qu’il soit la mauvaise personne pour le long run.

San Antonio Spurs v Golden State Warriors - Game Four

Le plan

Le GM Bob Myers parait plus jeune que ses 39 ans. Grand, maigre, cheveux sombres, il a la présence physique d’un ancien athlète – il a joué pour UCLA et joue toujours quelques un contre un intenses après les entraînements des Warriors contre le scout Chris DeMarco – et le sens du social d’un agent, qu’il a été pendant 14 ans. Engagé en 2011 en tant qu’assistant GM de Riley, Myers impressionne tellement Lacob qu’il est nommé GM l’année suivante.

Depuis le début, Myers et Lacob suivent un plan. Un plan qui tourne autour de quelques principes clés. Le premier, que le futur de la ligue repose sur des joueurs sans positions définis, polyvalents. La taille, l’amplitude et la polyvalence demeurent plus important que les désignations traditionnelles. Deuxièmement, en dépit des récentes tendances, les deux hommes pensent que les pivots sont toujours aussi importants. Troisièmement, ils pensent que les franchises prospèrent tant qu’elles disposent de joueurs à haute moralité. « J’ai parfois remarqué que les joueurs les plus talentueux n’aident pas toujours pour l’essentiel : gagner », explique Myers. La devise de l’exécutif devient, à travers les mots de Myers « De la taille, et ensuite du caractère ». Ils ont commencé avec un avantage significatif en disposant d’un minuscule Tim Duncan. « Notre meilleur joueur est sans doute notre joueur au meilleur caractère. C’est comme avoir un PDG qui montre l’exemple. Tous les autres s’inscrivent sur sa ligne. »

Parallèlement, Lacob entreprend de changer le côté business de la franchise. Dans le but d’instaurer une totale transparence, il ordonne que les murs de l’exécutif soient en verre. Il informe surtout le secteur des opérations basket que l’équipe aspire à devenir celle qui achète des tours de draft, et plus celle qui les vend. Son but ? Attirer le meilleur dans le business, Jerry West, pour qu’il devienne consultant en tête de la franchise.

En mars 2012, les Warriors ont tradé Monta Ellis (vers Milwaukee) – le joueur le plus populaire de l’équipe, mais pièce obsolète aux côtés de Curry – en échange d’Andrew Bogut, un défenseur d’élite. Ils ont ensuite drafté les grands et longs ailiers les uns après les autres – Klay Thompson (2,01m), Harrison Barnes (2,03m), Draymond Green (2,01m) et ce avec succès. Ils ont comblé les trous avec des agents libres comme Jarrett Jack, Carl Landry, et ont acquis Andre Iguodala (1,98m), autre ailier aux longs segments pendant qu’ils se sont déchargés du salaire onéreux d’Andris Biedrins. Dans un business où 50% du taux de réussite repose sur des décisions concernant le personnel, c’était une remarquable série de bons coups.

Si bien qu’au printemps dernier, le plan de cinq ans de Lacob est en avance. Golden State a le talent et la mentalité. Il reste juste un changement à faire. En mai dernier, les trois heures de conférence à Oklahoma City de Steve Kerr a beaucoup impressionné les décisionnaires de la franchise. Sa présentation sur Power Point d’abord, longue de 16 pages. Celle-ci commence par la section titrée : « Pourquoi Suis-Je Prêt à Être Head Coach ». Dans celle-ci, des points sur le leadership, des analyses en passant par le dress code, la diététique, des instructeurs de yoga et des spécialistes du sommeil. Kerr y détaille aussi ses pensées sur les joueurs des Warriors en y incluant les potentielles rotations. Mais ce qui a le plus impressionné Jacob, c’était la potentielle liste d’assistants aux côtés de Kerr. David Blatt (aujourd’hui coach des Cavaliers), Alvin Gentry et Ron Adams, deux des meilleurs stratèges. Kerr ne craignait pas d’être menacé par ceux qui l’entourent, aspect à l’origine du départ de Mark Jackson.

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Joe Lacob

Retour sur les Warriors de Jackson

En rejoignant Golden State, Mark Jackson institue une règle qui interdit à ses coachs assistants de parler à la presse. Problème, Mike Malone, son assistant défensif, reçoit tout le crédit des progrès défensifs de l’équipe. Jackson est mécontent de la situation et refuse de s’exprimer sur le sujet. Pire, en interne, le head coach dresse les joueurs les uns contre les autres pour gagner en fidélité. Il leur dit : « Tu es mon gars, untel et untel est un clown, admet-on en interne. Ensuite, il disait la même chose à un autre joueur. » Jackson, frustré par le profil croissant de Mike Malone, décide de confier le secteur défensif à un homme dont il peut avoir confiance, Darren Erman. A l’époque, cet ancien avocat n’a aucune expérience dans le coaching d’une défense NBA. Heureusement pour Jackson, Erman a bien réussi dans son rôle, en modelant une défense de premier plan.

Puis au printemps dernier, les choses deviennent franchement étranges. En mars, sans explication, Jackson licencie Brian Scalabrine, un assistant apprécié, affilié à la D-League de Golden State. En avril, Erman est viré pour violation de la politique de l’équipe (Jackson parlera plus tard d’irrespect pour le licenciement de Scalabrine ; Erman était suspecté d’enregistrer les meetings de l’équipe). Les joueurs deviennent méfiants à l’idée de créditer publiquement les assistants de peur de s’exposer aux foudres de Jackson. Les Warriors entrent alors en postseason avec un coaching staff épuisé, inexpérimenté, et l’équipe vient de subir des défaites troublantes. Face aux Knicks, aux Hornets, aux Wolves à domicile. Et face à des Spurs sans leurs starters.

Selon certaines sources, Jackson excellait en tant que leader mais n’était pas intéressé par la minutie du coaching. Il regardait si peu souvent les films de match que l’équipe de vidéo a finalement arrêté d’enregistrer et de séquencer les matchs sur son PC. Il n’établissait plus les systèmes durant les huddles ou alors apportait un simple bloc-notes. Il regardait souvent son téléphone durant l’entraînement et ce même quand les managers et les dirigeants se trouvaient autour. Sa relation avec le front office se dégradait de jour en jour.

Et puis, il y avait d’autres problèmes, notamment d’ordre culturel. Jackson parlait souvent de foi à ses joueurs. « C’est bien d’être religieux », dit-on en interne mais « c’est une chose différente d’en faire l’usage au travail. » Lorsque Jason Collins a publiquement annoncé son homosexualité en avril 2013, Jackson s’était exprimé ainsi : « Je connais Jason Collins et sa famille, je vais prier pour eux. » Des propos qui semblaient particulièrement maladroits quand on sait que le premier dirigeant sportif de haut niveau à avoir révélé son homosexualité travaille dans le même building que vous (Rick Welts). Avec Mark Jackson, Welts a rapporté avoir eu « une bonne conversation entre adultes. Il savait comment je me sentais, et je savais comment il se sentait. Je suis sûr qu’il pensait que c’était une opportunité pour lui de m’instruire, et je pensais que c’était une opportunité de l’instruire. » Le temps que la saison se termine, la situation devient invivable. Jackson ne convient plus à la hauteur d’esprit requise. « Vous ne pouvez pas avoir 200 personnes qui ne vous aiment pas au sein de l’organisation », déclare Lacob (après quoi il se sentit mal à l’aise. « Je ne savais pas que c’était enregistré. Mais ce n’est pas une excuse », a-t-il réagi à posteriori). Avec l’arrivée de Kerr, Lacob espérait le retour à la stabilité. Un des premiers changements du nouveau coach était la réhabilitation du projet.

NBA: Golden State Warriors at Oklahoma City Thunder

Ça c’est ce que j’espère faire, voici pourquoi, voici comment.

En mai dernier, quand Kerr l’appelle, Harrison Barnes est choqué. Son nouveau coach l’appelle pour le rencontrer. Où qu’il soit. « C’est énorme. Faire le déplacement en avion pour voir les gars, réagit Barnes, alors à Miami. C’eut été plus facile pour lui de voler pour rencontrer Steph et de se contenter d’appeler les autres. » A 22 ans, le jeune ailier sort d’une saison maussade. En tant que leader du deuxième cinq, il était attendu au scoring et efficace sur le jeu en isolation. Ça n’a pas marché. « Les meilleurs joueurs de la ligue en isolation shootent à 20-30%, lui dit Kerr lors de leur rencontre, aux Four Seasons de Miami. T’as une idée de ton pourcentage ? »

Barnes grimace : « Probablement plus bas que ça ? »

Kerr acquiesce. « Je ne pense pas que l’année dernière ait été la meilleure pour que tu puisses t’exprimer au mieux. Mais si tu adhères à ce dont nous venons de parler, il y a des chances que ça porte ses fruits. »

Lors des semaines qui ont suivi, Kerr a rencontré d’autres joueurs. Il a notamment volé en Australie pour aller voir Andrew Bogut. Pour tous, il leur a livré le même message. Ça, c’est ce que j’espère faire, voici pourquoi, voici comment. Les joueurs, silencieux à l’annonce de l’arrivée de Kerr, appréciaient l’approche. « Je pense qu’il était destiné à devenir coach, dit de lui Klay Thompson. Juste par son calme. Il a vraiment la bonne manière d’approcher les gens. »

Sûrement une question d’éducation. Et celle de Kerr est bien connue. Quand Steve a 18 ans, freshman à Arizona, son père, Malcolm, est président de l’Université américaine de Beyrouth. Le 18 janvier 1984, alors qu’il part travailler, il se fait tirer dessus de deux balles dans la tête et meurt sur le coup. Trois ans après, Steve Kerr, senior des Wildcats, devient un personnage central du livre de John Feinstein, A Season Inside, qui peint le portrait d’un jeune homme traumatisé et inhabituellement mature pour son âge. En 1987, le coach d’Arizona, Lute Olson, révèle au New York Times que Steve Kerr est « le joueur le plus intelligent qu’il n’ait jamais coaché. » A un âge où la plupart des jeunes façonnent leur identité, Kerr savait déjà exactement qui il était.

Maintenant coach, il veut à la fois être ferme et juste. Et cela implique de prendre des décisions difficiles. La première, et potentiellement la plus risquée, concerne Barnes. Après deux semaines de training camp, Kerr sait que Barnes doit montrer son potentiel afin de pouvoir jouer aux côtés de Curry et de Thompson. Mais cela revient aussi à dire à Andre Iguodala, ancien All-Star avec 758 matchs en carrière, de débuter dorénavant sur le banc.

Iguodala a d’abord été sceptique à l’idée. « Mais il est important de ne pas tout jeter à première vue », dit-il. Kerr a fait le bon choix. Le second cinq, si inefficace la saison dernière, avait besoin du leadership et de la qualité de jeu d’Iguodala. « Je suis d’accord avec sa vision des choses, a fini par reconnaître le joueur. Avant d’ajouter : ça fait 11 ans que je suis dans cette ligue et je veux que mon professionnalisme ressorte. » Qui pouvait désormais se plaindre ?

Kerr a ensuite eu de la chance. En novembre, David Lee se blesse (claquage de sa cuisse gauche). Deux fois All-Star, Lee est un joueur doué à la finition mais médiocre défenseur pour l’éventail typique du poste 4. La saison dernière, les assistants coachs avaient plaidé la cause Draymond Green à Mark Jackson, en soutenant que Green pouvait renforcer le cinq de départ et apporter désespérément ce besoin d’un boost offensif en sortie de banc. Mais Jackson était resté ferme. Kerr envisageait de suivre sa voie : « Si David n’est pas blessé, il débutera, c’est sûr. » Mais Lee s’est blessé et les Warriors ont dû lâcher sur les parquets de la ligue une unique et éloquente force défensive, Draymond Green.

Janvier dernier, les Warriors jouent à domicile et Draymond Green entend :

« Il est trop petit. TROP PETIT ! »

Ça vient du banc de Denver. Green vient de se faire passer au poste, ‘duck in’ à deux reprises (pris au poste, à l’intérieur) par l’ailier fort de 2,03m élastique et musculeux Kenneth Faried. A Green, 1m98 sans chaussures, on lui dit qu’il est trop petit. Et comme il le dit lui-même, « ça ne me plait pas DU TOUT ».

Durant toute sa vie, on lui a dit qu’il était trop ‘ceci’ ou pas assez ‘cela’. Un de ses frères athlétique le défiait sur des jumping contests à la maison en sachant qu’il gagnerait. Petit, on se moquait de lui parce qu’il était enrobé. Même au lycée, quand il a gagné des titres ou qu’il a mené Michigan State à deux Final Fours, on le considérait encore comme le gamin petit et grassouillet.

Ce qu’ils oublient, c’est sa polyvalence et son état d’esprit. Green, c’est le parfait coéquipier, prêt à tout donner pour aider son équipe. C’est avec cette image qu’il a gagné le respect à Civitan, MSU et, plus tard, lors des workouts à Golden State. « Son équipe gagnait tous les exercices », se souvient Myers. Impressionné, l’assistant GM Travis Schlenk, l’était aussi : « Draymond bloquait les jump shots, il en avait bloqué trois dans le périmètre. Vous savez à quel point c’est peu commun ? »

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Maintenant, Green est l’invraisemblable pilier d’une des meilleures défenses de la ligue, un de ces humains peu nombreux à pouvoir défendre sur Dwight Howard comme sur Chris Paul. Avant le All-Star Break, il mène la ligue dans le rating défensif et se trouve dans les discussions comme potentiel défenseur de l’année. « La chose que j’adore chez lui, c’est qu’il hait qu’on lui marque dessus, soutient Adams, l’assistant-coach de l’équipe, et c’est tout ce que vous voulez d’un joueur défensif. »

Avec Adams, les Warriors adoptent le système dit de la « bombe » basé sur la taille, l’anticipation ainsi que la capacité à penser et à agir de manière décisive. Les joueurs intervertissent leurs positions sur la plupart des pick-and-rolls, jouent sur leur avantage : la mobilité de ses pièces interchangeables. Adams s’attend à ce que tout le monde participe au jeu. Pour lui, le défenseur pauvre par nature n’existe pas. A Chicago, il a aidé Kyle Korver à devenir une pièce importante du système défensif et veut faire de même avec Steph Curry. « Je ne pense pas que tu sois un mauvais défenseur, a-t-il dit à Curry l’été dernier. Mais tu ne joues pas assez bien les possessions. » Il lui a aussi demandé, « Prouve moi que tu es meilleur que ton père », et Steph a accepté le challenge. Il défend dorénavant sur les meneurs adverses et passe du défenseur passable à celui d’un niveau assez bon en proposant un des 10 meilleurs ratings défensifs à son poste tout en menant la NBA en interceptions (avant que Kawhi Leonard prenne le lead à la fin de la saison régulière).

Green est le cœur de la défense. Il enfonce, joue de son corps et de son trash-talk. Tim Duncan est le seul poste 4 avec lequel il n’ose pas. Il lui éprouve un profond respect. « Tu dis quelque chose à Timmy, il te regarde avec sa Timmy face et se dit, ‘Wow, t’es en train de me parler là ! ». Green se déçoit lui-même quotidiennement : « chaque possession est une bataille et vous ne voulez jamais perdre une bataille », expliquait-il récemment à la sortie de l’entraînement. « Et si quelqu’un marque sur moi, ça me dérange VRAIMENT. Ça ne me fait pas me sentir mieux pour autant si c’est Kevin Durant qui prend ces shoots et les mets sur tout le monde. Je ne suis pas ‘tout le monde’. » Green se penche en avant et s’enflamme. « Les gens disent : ‘C’est une grande attaque, il n’y a rien que tu puisses faire’. Non, j’aurais pu faire autre chose, puisqu’il a marqué. »

Ce qui nous ramène à notre match face aux Nuggets. Lors de quatre autres occasions, Faried avait déjà tenté de marquer sur Green au poste. « Pour des garbage shots », précise Green. Peu importe, Green ne peut s’arrêter de penser aux deux que Faried avait rentrés. « La seule chose que vous savez sur Faried, c’est qu’il exécute le ‘duck in’ tout. le. temps », explique-t-il. Là, quand il a marqué la première fois, j’ai pensé, ‘mec, je suis allé en aide et j’ai essayé de revenir un peu, mais il m’a marqué dessus’. La seconde fois, je devais descendre un petit peu plus et il a marqué de la même manière. Donc je suis allé sur le banc, il y a eu un temps mort, j’ai dit aux gars : ‘Si je vais en aide, vous devez tous m’aider !’ »

Au fil du match, Green continue à se refaire inlassablement l’action dans sa tête et à s’en faire une conclusion différente. Peut-être est-il allé en aide de trop loin. Peut-être que Faried était juste dans la bonne position. « Et ensuite, j’ai réalisé, merde, je me suis juste fait avoir. » Après un arrêt de jeu, il est allé voir Adams et ses coéquipiers. Ce que Barnes confirme : « Il est tout de suite venu et s’est excusé. » En passant, les Warriors ont gagné de 43 points (122-79).

Nouvelle philosophie de jeu

Si la progression de Green est importante, la défense des Warriors était déjà solide avant que Steve Kerr n’arrive. C’est de l’autre côté du ballon que le coach a eu un effet plus important. La saison dernière, l’attaque des Warriors était souvent immobile, chose qui frustrait particulièrement Jerry West. Il ne pouvait pas comprendre comment une équipe bénie avec des shooteurs tels que Curry, Thompson et des passeurs comme Bogut et Lee, pouvait se retrouver dernière en nombre de passes par possession.

C’est que Marc Jackson préférait un style de jeu qui ressemblait au jeu traditionnel des années 80-90’s par le jeu en isolation et le pick-and-roll. L’approche de Kerr, elle, est totalement différente. La plupart des coachs rookies débutent leur carrière en imitant un mentor. On pense à Erik Spoelstra à Miami ou Budenholzer à San Antonio. Mais Kerr à l’avantage non seulement d’avoir de multiples mentors Hall of Famers, mais aussi de disposer d’un acolyte offensif respecté en la personne d’Alvin Gentry qu’il a embauché fin juin. Ensemble, ils ont créé ce que Gentry appelle un système offensif « melting pot ». Regardez les matchs des Warriors et vous verrez les actions au poste haut de l’attaque en triangle de Phil Jackson ; la fluidité des écrans et le jeu rapide le long de la ligne de touche des Suns de D’Antoni (où Kerr officia comme GM de 2007 à 2008 et de 2009 à 2010) ; les variations au poste bas du vieil Utah de Jerry Sloan ; et de manière plus importante, l’attaque en mouvement de la dernière génération des Spurs. Le résultat est un système au sein duquel le seul péché est de demeurer immobile. Faire vivre le ballon par le mouvement des joueurs est le crédo par lequel Gentry décrit le jeu. Les ‘gros’ usent de remises, les shooteurs prennent les courbes et coupent de façon continue ; et finalement, tout le monde touche le ballon. Pour Kerr, qui a eu l’avantage de voir les Warriors de près quand il était consultant, c’était la meilleur manière d’utiliser un roster bien fourni avec des ‘gros’ mieux adaptés pour passer plutôt que d’aller directement au cercle (Kerr dit de Bogut que c’est un « sorcier balle en mains »).

Stephen Curry, Draymond Green, Klay Thompson

Le visage de l’attaque a pris forme dès la Summer League et a été réinstallé lors des training camps. Le but ? Se focaliser sur le conditionnement. Les premiers résultats étaient mitigés. Il y avait des moments superbes dans le mouvement du ballon mais aussi des turnovers. Beaucoup de turnovers. Après 7 matchs de saison régulière, les Warriors perdaient en moyenne 22 fois le ballon. Pour un coach comme Kerr qui s’attache au mouvement du ballon, limiter les erreurs et défendre sont les clés du jeu, donc voir ça était douloureux. « J’ai tellement d’idées dans ma tête, admet-il aujourd’hui. J’en mets trop. »

Il a donc simplifié l’attaque en réduisant ses 20 systèmes en un corps de quatre ou cinq de premier plan. Et ça a marché. Un an après avoir terminé derniers de la ligue en passes par match (245.8), les Warriors sont aujourd’hui 11ème (313.6). Ils mènent la NBA en passes décisives par match (27.4), et ont réduit leur ratio de turnover d’un tiers (de 22.1 à 14.6). Les années précédentes, Curry et Thompson finissaient souvent par exécuter des jump shots difficiles et Thompson accumulait rarement les écrans. Cette année, les progrès de Thompson sont principalement dus à l’évolution de son jeu. Lui et Curry prennent la peine de prendre des shoots plus faciles. « Personne ne sait comment Klay était fort l’année dernière », remarque un coach adverse. « Parce que Mark ne mettait en place aucun système pour lui. » Ce qui, rétrospectivement, peut aider à comprendre pourquoi les Warriors n’ont pas voulu trader le joueur pour Kevin Love. Peut-être qu’ils savaient qu’il n’avait pas montré tout son potentiel.

Role players, remplaçants et ambition

Le nouveau visage de l’attaque a aussi profité aux role players. Harrison Barnes demeure maintenant une menace permanente, à tel point qu’il culmine à plus de 48% au tir. A 40% derrière l’arc. Si la progression de Barnes était prévue, on ne peut pas en dire autant d’un autre Warrior. Beaucoup de coachs auraient abandonnés Marreese Speights. A l’origine, les Warriors ont ciblé le big man remplaçant de 2.08m lors de la free agency pour une seule raison : sa qualité de tir à mi-distance. Mais l’année dernière, Speights était en surpoids de 14kg et son mauvais jumper le mettait dans l’incapacité d’être aligné sur un parquet. Et puis même en forme, son profil est à l’opposé du joueur aimé par Kerr & Co : un joueur rétif à la passe et un défenseur passif. « Je n’aurais pas blâmé Steve s’il l’avait ignoré pour s’en débarrasser, avoue un GM de la conférence Est. Pour moi, avoir intégré Mo est la chose la plus impressionnante que Steve ait faite. Combien de coachs l’auraient même tenté ? »

Cette saison, Speights tourne à 10.3 points par match à 50% au tir tout en affichant d’étonnants moments d’intensité défensive et un volontarisme à la passe. A tel point qu’il a dorénavant un impact sur le coaching. « Personne ne mettait en place de systèmes pour Mo avant », admet Barnes. « Maintenant, un système est littéralement appelé « Mo’s play » (le système de Mo), pour qu’il exécute au mieux son jumper. » De cette progression, Kerr détourne tout le crédit qui lui en revient. « Tout le mérite revient à Mo, énonce le coach. Je lui ai juste dit que s’il venait en forme au training camp, il aurait une chance d’aider l’équipe. » C’est son assistant, Luke Walton, ancien coéquipier de Speights à Cleveland qui faisait les sprints tous les jours aux côtés de Mo après chaque entraînement.

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Harrison Barnes et Marreese Speights

Kerr dispose aussi d’un autre avantage : comme Phil Jackson et Riley avant lui, il comprend ceux qui vivent en marge. « Je sais ce que tous ces mecs traversent, et ça craint », dit-il à propos des remplaçants. « J’ai une grande compassion pour tous les mecs du banc. » Kerr s’efforce d’imiter Phil Jackson qui « ne laisse jamais personne au fond du banc. De toute façon, les remplaçants définissent votre alchimie. Et si vous les ignorez, si vous ne les faites jamais jouer, ils deviennent amers. Et ça devient tout de suite insidieux. »

Donc Kerr récompense les bons entraînements en donnant du temps de jeu et ça le rend fou lui-même de manquer des opportunités de faire jouer des remplaçants (il dit que son plus grand regret de la saison était de ne pas avoir donné du temps de jeu à Brandon Rush tôt dans la saison quand Thompson ne jouait pas). « Steve est un gars extrêmement positif, mais ce n’est pas un idiot, précise Adams. Il offre aux joueurs une opportunité. Donc l’opportunité peut venir comme s’en aller. Il n’y a pas d’intimidation. » D’ailleurs, les joueurs adorent son approche. Barnes l’apprécie pour savoir « responsabiliser les joueurs », Green pour faciliter le dialogue. « Plus tôt dans la saison, je lui ai crié dessus durant un match et il m’a crié dessus en retour, avoue Green, qui passe son temps à crier sur un peu tout le monde à tout moment d’un match. Ensuite, je suis allé vers la ligne de touche et je lui ai dit ‘C’est ma faute’. Il a rétorqué : ‘Mais non. J’adore ta passion, pourquoi voudrais-je arrêter ça ? C’est ce qui fait le joueur que tu es.’ »

Lacob décrit son coach « exactement comme il s’est lui-même vendu », ce qui pour Fraser, est l’une de ses meilleures qualités. « Il n’y a pas de conneries à dire sur lui. Il peut paraître un peu ringard, mais tu ne peux pas dire qu’il n’est pas honnête. Il prend le temps d’expliquer et de parler sans être autoritaire. » Curry dit qu’il aime Kerr parce qu’« il n’essaie pas de devenir le héros et de réinventer le jeu, dans ce en quoi nous sommes bons. Il est très mature pour un coach de première année. Il est conscient des plus grands objectifs, pas juste celui d’avoir le meilleur bilan. » Green acquiesce : « Il ne laisse pas de place à la médiocrité. » Après presque chaque entraînement, Kerr s’engage dans un un contre un contre lui-même dans le corner du terrain d’entraînement. Il enchaîne après par des pompes et des tractions. Et puis lors d’une récente après-midi, il a été contesté.

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« Coach Kerr, vous en voulez quelques-uns aujourd’hui ? » demande Steph Curry. Le meneur prononce ces mots alors qu’il est en train d’enfiler 39 lancers-francs, ou 40 – il est dur de suivre quand on atteint un nombre aussi haut (il en aurait même enchaîné 77 ce mardi à l’entraînement). Kerr se prépare pour la bataille. C’est un shooteur à 86.4% de moyenne aux lancers qui sait que la situation n’est pas à son avantage. Lui et Curry doivent tirer 10 lancers, chacun shootant deux lancers à la fois. Mettre le lancer vaut 1 point, le mettre avec le swish en vaut 2. Et comme vous pouvez l’imaginer, Steph a beaucoup ‘swishé’. Si en surface, cela semble être une diversion amusante, la plupart des choses que Kerr entame est au-delà de l’amusement. Le coaching n’est-il pas un numéro d’équilibriste ? Un des meilleurs shooteurs de l’histoire de la NBA et compétiteur-né est prêt à perdre publiquement, comme à de maintes reprises, face à son joueur star. Sa confiance innée, il veut la transporter dans tous les domaines. A la fin des temps-morts, il demande souvent aux joueurs s’ils ont vu quelque chose qu’il n’aurait pas vu. En début de saison, Leandro Barbosa, remplaçant, a suggéré à Kerr un système en fin de match. Non seulement Kerr l’a écouté, mais il l’a utilisé.

Le shooting contest est un concept qui tient à cœur de Kerr pour entretenir la joie du jeu. C’est la raison pour laquelle il utilise parfois, et de façon impromptue, des tracés de courses de football américain à la place de traditionnels warms-up avant l’entraînement. Comme il a organisé un bowling avec l’équipe à Minneapolis il y a deux semaines, en supervisant les deux contre deux constitués en fonction des capacités (quel choc, l’équipe de Curry l’a emporté).

Kerr est aussi un partisan du processus et de la préparation. Il demande au staff vidéo de télécharger sur son PC les cinq dernières rencontres du prochain adversaire avant chaque match. En juillet dernier, il a rendu visite à Pete Carroll et est resté impressionné par la façon dont le coach des Seattle Seahawks utilisait la musique pour stimuler ses joueurs à l’entraînement. Maintenant, les Warriors font la même chose. En suivant l’exemple de Pete Carroll et Bill Belichick, Kerr a engagé comme assistant personnel Nick U’ren, 28 ans, qui a passé ses cinq dernières années comme assistant coordinateur vidéo avec les Suns. U’Ren explique : « L’idée est que plutôt d’avoir une femme de 45 ans derrière le bureau à répondre à des mails, pourquoi ne pas utiliser cette place pour ajouter un autre esprit basket dans le staff. » Donc maintenant, U’Ren fait les deux : il réserve les billets de voyages de Kerr, séquence les vidéos d’enregistrement, et passe 20 minutes à décomposer la stratégie de match avec le boss. De ce qu’il sait, il est la seule personne à avoir ce job en NBA.

Steve Kerr est aussi diplomate. Depuis le premier jour, il s’est mis un point d’honneur à louer le travail de Mark Jackson. De la même manière, il minimise son impact sur l’équipe à chaque virage important de la saison. « Pop et Phil m’ont enseigné que ce sont les joueurs qui font le travail, dit-il. Tu veux juste guider l’équipe dans la bonne direction pour qu’elle joue de la façon dont elle est constituée, en utilisant au mieux le talent et ses capacités. » Dans les sports professionnels, cette vue d’esprit est inhabituelle. « Habituellement, gagner engendre de l’arrogance, mais c’est un gars rare », reconnaît Van Gundy. « Je pense que Kerr est pleinement conscient qu’il fait un travail formidable. Tu ne peux pas jouer autant qu’il a joué sans une certaine fierté et sans un certain égo. En dehors du coaching, Steve sait très bien se gérer lui-même. J’ai énormément de respect pour son humilité dans le succès. Très, très peu de gens que j’ai connu dans le coaching ont eu cette humilité. »

Que Kerr soit à l’aise avec les médias n’est pas une surprise. En tant qu’ancien consultant (et même chroniqueur pour le journal de son lycée), il comprend le pouvoir du récit. Prenez l’histoire bien connue de comment lui et Michael Jordan se sont battus après un entraînement, preuve de sa dureté. « Soyons honnête, raconte-t-il. Si en ce moment on perdait, le récit actuel serait ‘C’est un gars qui s’est fait tabassé par Michael Jordan.’ On adapte juste les faits, même si l’histoire se déroule. »

Si cela est vrai, les faits ne collent pas avec cette journée. Après quelques échauffements, Kerr envoie une brique sur l’un de ses deux premiers lancers. Curry fait de même. « Oh non, j’étais parti pour le swish ! », hurle-t-il. Dès lors, les deux commencent à rentrer leurs lancers et, comme d’habitude, Curry, sur le chemin de la victoire, rentre un énième swish, s’en va le célébrer avant de revenir et de mimer, moqueur, la poignée de mains du golfeur. Le temps d’un instant, il était intéressant de voir les deux hommes dégoûtés d’eux-mêmes tout en essayant de ne pas le montrer. Obsédés par la gagne, unis par une défaillance momentanée.

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